São João del-Rei – Musique baroque et trains historiques
Quand le Minas Gerais nous surprend encore
Bon, je l’avoue, quand mon pote Paulo m’a dit « Tu vas voir, São João del-Rei, c’est pas juste une ville coloniale de plus », j’ai eu ce petit sourire en coin qu’on a tous face aux promesses de découvertes « uniques ». Vous savez, cette expression polie qu’on affiche quand quelqu’un nous vante sa destination secrète qui va « changer notre vision du Brésil ». Après Ouro Preto et ses hordes de touristes, après Tiradentes et son côté carte postale un peu trop léché, j’étais franchement sceptique.
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En mars 2024, quand j’ai posé le pied sur le quai de la gare de São João del-Rei, mes préjugés ont commencé à vaciller. D’abord, cette gare qui fonctionne encore vraiment – pas un musée déguisé, mais une vraie gare avec de vrais trains et de vrais voyageurs. Ensuite, ce mélange étonnant entre les façades coloniales impeccablement restaurées et les antennes paraboliques qui pointent vers le ciel, entre les calèches tirées par des chevaux et les motos qui slaloment sur les pavés.
São João del-Rei se trouve à 185 kilomètres de Belo Horizonte, nichée dans cette région du Minas Gerais où l’histoire semble avoir trouvé un équilibre parfait avec la modernité. Contrairement à Ouro Preto qui peut parfois donner l’impression d’être figée dans l’ambre touristique, ou à Tiradentes qui joue peut-être un peu trop la carte du pittoresque, São João del-Rei m’a frappé par son authenticité décomplexée.
Ce qui m’a le plus marqué dès les premières heures ? Cette façon qu’ont les habitants de vivre normalement au milieu de leur patrimoine exceptionnel. Pas de mise en scène, pas de folklore de circonstance. Juste une ville qui respire, qui travaille, qui fait de la musique baroque comme d’autres font du rock, et qui continue à faire rouler ses trains à vapeur parce que ça fait partie de son ADN.
Le train de la nostalgie – Entre folklore et authenticité
L’expérience ferroviaire qui divise
Alors, ce fameux train touristique São João del-Rei – Tiradentes… J’avoue que j’y suis allé à reculons. L’idée du « tourisme de locomotive » me donnait des boutons d’avance. Vous voyez le truc : des wagons bondés de touristes qui photographient tout, une ambiance « parc d’attractions » et des prix gonflés pour une balade de 12 kilomètres.
Première surprise : les tarifs restent raisonnables. En mars 2024, l’aller-retour coûte 45 reais, soit environ 8 euros. Pas donné pour un budget brésilien, mais loin des tarifs prohibitifs qu’on peut trouver sur d’autres « trains touristiques » dans le monde. Mon conseil : évitez absolument les weekends si vous voulez garder un semblant d’authenticité. Le vendredi, c’est parfait – vous aurez même parfois un wagon presque pour vous.
La Maria Fumaça, c’est son petit nom, crache de vraies vapeurs et fait un boucan d’enfer qui réveille toute la vallée. Quand elle démarre, on sent vraiment qu’on monte dans un morceau d’histoire vivante, pas dans une reconstitution. Le matériel roulant date vraiment de l’époque, et ça se sent dans chaque cahot, chaque grincement.
Mais ce qui m’a vraiment réconcilié avec l’expérience, c’est ma rencontre avec Dona Aparecida, contrôleuse depuis 30 ans. Cette femme connaît chaque passager régulier, chaque famille qui emprunte encore ce train pour aller travailler ou étudier à Tiradentes. « Você sabe », m’a-t-elle dit avec ce sourire malicieux typiquement mineiro, « os turistas, eles vêm e vão, mas nós, a gente vive aqui mesmo » (Les touristes, ils viennent et repartent, mais nous, on vit vraiment ici).
En fait, j’ai d’abord pensé que c’était du marketing pur… Mais quand tu vois les gamins du coin qui montent encore dans ce train pour aller à l’école à Tiradentes, quand tu croises des ouvriers avec leurs outils qui l’utilisent comme transport quotidien, tu réalises que l’authenticité, elle est là. Ce train n’existe pas QUE pour les touristes, il fait partie de l’écosystème local.
Les 12 kilomètres de trajet révèlent un Minas profond, celui des petites fazendas, des eucalyptus qui ondulent dans le vent, des rivières paresseuses qui serpentent entre les collines. Le paysage défile lentement, à 30 km/h maximum, et c’est exactement ce qu’il faut pour digérer la beauté de cette région.
Astuce pour économiser : prenez le train le matin (départ 10h ou 15h selon la saison) et revenez en bus local. Pour 8 reais, vous aurez une vision différente du trajet et vous économiserez la moitié du prix. En plus, le bus local vous donne un aperçu de la vraie vie quotidienne entre les deux villes.
Baroque vivant – Quand la musique résonne encore dans les églises
En écrivant ces lignes, j’entends encore les répétitions de l’Orchestre Ribeiro Bastos qui sortaient de l’église São Francisco un mercredi soir de mars. Cette mélodie baroque qui flottait dans les rues pavées, mélangée aux bruits de motos et aux conversations des terrasses de café… Il y a quelque chose de magique dans cette superposition temporelle.
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L’héritage musical qui refuse de mourir
São João del-Rei, c’est un conservatoire à ciel ouvert depuis le XVIIIe siècle. Pas un conservatoire poussiéreux avec des partitions sous verre, mais un lieu où la musique baroque fait partie du quotidien depuis des générations. Les orchestres locaux – Ribeiro Bastos et Lira Sanjoanense en tête – perpétuent une tradition qui ailleurs s’est muséifiée.
J’ai eu la chance d’assister à une répétition un mercredi soir. Conseil que ne vous donnera aucun guide : présentez-vous vers 19h30 à l’église do Carmo ou São Francisco, et demandez poliment si vous pouvez écouter. Dans 90% des cas, on vous accueillera avec le sourire typiquement mineiro.
Ma rencontre avec Maestro Carlos restera gravée. Quatrième génération de musiciens dans sa famille, il dirige l’orchestre Ribeiro Bastos avec cette passion tranquille qu’ont les gens qui font ce qu’ils aiment depuis toujours. « Aqui, a música não é trabalho, é vida » (Ici, la musique n’est pas un travail, c’est la vie), m’a-t-il expliqué en accordant son violon.
Ce qui m’a fasciné, c’est cette transmission familiale qui défie la mondialisation. Dans un monde où Spotify uniformise les goûts musicaux, où les jeunes Brésiliens écoutent du funk carioca ou du sertanejo, ces familles continuent à transmettre Bach et Haydn de père en fils, de mère en fille.
Mais attention, ce n’est pas un conservatisme aveugle. Cette musique européenne a pris racine ici de façon unique. Il y a un métissage invisible mais omniprésent dans la façon de phraser, dans les nuances rythmiques. Quand l’orchestre Ribeiro Bastos joue du Bach, ce n’est pas du Bach allemand, c’est du Bach mineiro. Et ça change tout.
En Europe, nos orchestres baroques « authentiques » jouent souvent dans des salles de concert aseptisées, devant un public de connaisseurs. Ici, la musique baroque résonne dans des églises où les gens viennent prier, où les enfants courent entre les bancs, où la vie continue. C’est cette dimension vivante qui rend l’expérience si émouvante.
Information précieuse que m’a donnée le sacristain de l’église do Carmo : tous les dimanches matin à 9h30, concert gratuit avec l’un des orchestres locaux. Aucun guide touristique ne mentionne cette tradition, pourtant c’est là que vous vivrez l’expérience la plus authentique.
L’enjeu contemporain, c’est la transmission. Face à l’exode rural et à l’attraction des métropoles, comment cette tradition résiste-t-elle ? Maestro Carlos m’a confié ses inquiétudes : « Os jovens querem ir para Belo Horizonte, para São Paulo… Mas alguns ficam, alguns voltam. A música é mais forte que a cidade grande » (Les jeunes veulent aller à Belo Horizonte, à São Paulo… Mais certains restent, certains reviennent. La musique est plus forte que la grande ville).
Architecture et contradictions – Le patrimoine entre conservation et vie quotidienne
Bon, disons-le franchement : São João del-Rei n’a pas la perfection léchée d’Ouro Preto, et tant mieux. Ici, les façades coloniales côtoient les antennes paraboliques sans complexe, les églises baroques regardent passer les livraisons Amazon, et personne ne semble trouver ça choquant.
L’église do Pilar, avec ses ors qui éblouissent encore après trois siècles, trône au milieu d’un quartier où vivent de vraies familles. Pas des boutiques de souvenirs ou des pousadas de charme, mais des maisons où sèche le linge aux fenêtres, où les enfants jouent au foot dans la rue pavée.
Cette cohabitation entre patrimoine et vie quotidienne crée parfois des situations cocasses. J’ai vu une grand-mère sortir ses poules de sa cour coloniale pour les emmener picorer devant l’église São Francisco, classée patrimoine national. Les poules semblaient parfaitement à l’aise entre les pierres séculaires et les touristes qui prenaient des photos.
Le centre historique de São João del-Rei a évité le piège de la gentrification touristique qui menace tant d’autres villes coloniales. Pourquoi ? Peut-être parce que la ville a gardé une économie diversifiée, avec son université fédérale, ses petites industries, sa fonction de centre administratif régional. Elle n’a pas eu besoin de se vendre entièrement au tourisme pour survivre.
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Les rues pavées résonnent encore du bruit des carrioles qui livrent les marchands, mais aussi des motos qui slaloment entre les touristes. Cette superposition d’époques pourrait paraître chaotique, mais elle donne à la ville une authenticité que n’ont plus beaucoup de destinations « patrimoine ».
Mon expérience personnelle de cette authenticité ? Ma galère pour trouver un distributeur qui accepte ma carte européenne. Après avoir fait le tour des banques du centre, c’est Seu João, du bar da esquina (le bar du coin), qui m’a expliqué le système bancaire local tout en me servant une bière gelada. « Banco do Brasil, só de manhã, Bradesco, melhor à tarde, mas Caixa Econômica, esse funciona sempre » (Banco do Brasil, seulement le matin, Bradesco, mieux l’après-midi, mais Caixa Econômica, celui-là marche toujours).
Cette conversation m’a menée à une réflexion plus large : comment visiter ces lieux sans contribuer à leur transformation en décors touristiques ? São João del-Rei semble avoir trouvé un équilibre fragile, mais pour combien de temps ? L’arrivée d’une autoroute, le développement du tourisme de masse, et tout peut basculer.
Gastronomie mineira et rencontres humaines – Au-delà du feijão tropeiro
Alors, la cuisine mineira… J’avoue que j’avais mes préjugés sur cette réputation de « cuisine lourde ». Feijão tropeiro, porco à pururuca, queijo minas… Sur le papier, ça ressemble à un festival de cholestérol. En réalité, c’est beaucoup plus subtil et varié.
Ma découverte, c’est le restaurant da Dona Maria, une petite adresse sans prétention près du marché municipal. Dona Maria fait son pão de açúcar maison, cette brioche sucrée qui accompagne parfaitement le café mineiro. Quand elle m’a expliqué sa recette – « Açúcar cristal, não refinado, ovo caipira, manteiga da fazenda » (Sucre cristal, pas raffiné, œuf fermier, beurre de la ferme) – j’ai compris que la cuisine mineira, c’est avant tout une question de produits.
Le queijo minas d’ici n’a rien à voir avec ce qu’on trouve dans les supermarchés de São Paulo. Chez le fromager du marché municipal, un certain Seu Antônio qui travaille avec les mêmes producteurs depuis 40 ans, j’ai goûté des fromages qui rivalisent avec nos meilleurs produits français. « O segredo é a montanha e o capim » (Le secret, c’est la montagne et l’herbe), m’a-t-il expliqué en découpant un morceau de fromage encore tiède.
Cette conversation avec Seu Antônio illustre parfaitement cette façon mineira de prendre le temps, même avec les touristes. Pas de précipitation, pas de langue de bois commerciale. Une vraie curiosité pour l’étranger, des questions sur la France, sur nos fromages, sur nos habitudes alimentaires.
L’hospitalité mineira ne se commande pas dans les guides. C’est cette invitation spontanée de Dona Lúcia, propriétaire de ma pousada, à partager le café de fin d’après-midi avec sa famille. C’est ce geste naturel du serveur qui vous apporte un petit verre de cachaça artisanale « pour goûter » sans que vous l’ayez demandé.
Parlons budget : les « prato feito » dans les restaurants populaires du centre coûtent environ 15 reais (mars 2024) et valent largement tous les buffets touristiques à 40 reais. Chez Dona Maria, pour 18 reais, vous avez un repas complet avec viande, riz, haricots, légumes et dessert. Et surtout, vous mangez au milieu des employés de bureau, des étudiants, des familles locales.
Informations pratiques – Le système D à la brésilienne
Accès et transport
Depuis Belo Horizonte, le bus direct met 3h30 et coûte 35 reais (mars 2024). Départs toutes les deux heures depuis la rodoviária. Conseil : prenez les bus de la compagnie Gardênia, plus confortables et ponctuels que les autres.
La location de voiture peut sembler tentante pour explorer la région, mais attention aux routes de montagne et au stationnement dans le centre historique. Les rues sont étroites et les places rares. Si vous optez pour la voiture, comptez 200 reais par jour pour un véhicule basique.
Pour le logement, j’ai testé la pousada da Dona Lúcia, recommandée par Paulo. 80 reais la nuit pour une chambre propre avec petit-déjeuner copieux. Dona Lúcia parle un peu français (elle a vécu à Lyon dans sa jeunesse) et connaît tous les bons plans de la ville.
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Sécurité et précautions
São João del-Rei reste une ville sûre, mais comme partout au Brésil, quelques précautions s’imposent. Évitez de vous promener seul la nuit dans les quartiers périphériques. Le centre historique reste animé et sûr jusqu’à 22h environ.
Conseil souvent négligé : attention aux horaires des trains le weekend. Si vous comptez sur le dernier train pour revenir de Tiradentes, vérifiez bien les horaires car ils changent selon la saison. Un retour tardif peut poser problème pour les connexions de bus vers Belo Horizonte.
Connectivité moderne
Bonne surprise : le WiFi est disponible dans la plupart des cafés du centre, et la 4G passe bien. Pour les voyageurs européens, les opérateurs locaux proposent des cartes prépayées intéressantes. Chez Vivo, 30 reais vous donnent 5 Go pour une semaine.
Applications utiles : Google Translate fonctionne hors ligne et sauve la vie pour les menus de restaurant. Maps.me est parfait pour naviguer dans les rues du centre historique où le GPS de Google Maps perd parfois le nord.
Approche responsable
Privilégiez les guides locaux pour les visites d’églises. Ils connaissent l’histoire et les anecdotes que vous ne trouverez nulle part ailleurs. Comptez 50 reais pour une visite de 2h avec un guide officiel.
Respectez les horaires de répétition des orchestres. Si vous assistez à une répétition, restez discret et n’utilisez pas le flash pour vos photos. Un petit don à la sortie (10-20 reais) est toujours apprécié pour l’entretien des instruments.
Pour vos achats, privilégiez les producteurs locaux. Le fromage de Seu Antônio, l’artisanat des boutiques familiales du centre, la cachaça des distilleries de la région… Votre argent reste dans l’économie locale et vous repartez avec des produits authentiques.
São João del-Rei, leçon d’authenticité
Un ami m’a justement dit hier : « Alors, cette ville, elle était comment ? » Et là, j’ai réalisé que j’avais du mal à la résumer. São João del-Rei échappe aux catégories touristiques habituelles. Ce n’est ni un musée à ciel ouvert comme peut l’être Ouro Preto, ni une destination de charme comme Tiradentes, ni une métropole culturelle comme Salvador.
C’est une ville qui vit, tout simplement. Qui a su préserver son patrimoine sans le momifier, qui continue à faire de la musique baroque sans en faire un spectacle, qui accueille les visiteurs sans se dénaturer. Cette authenticité décontractée, c’est peut-être ça, l’art de vivre mineiro dans sa version la plus pure.
Pour qui recommander São João del-Rei ? Pas pour les pressés qui veulent cocher des cases sur leur liste de destinations « incontournables ». Pas pour les collectionneurs de selfies devant des monuments célèbres. Mais pour ceux qui cherchent le Brésil en profondeur, qui ont envie de comprendre comment un patrimoine peut rester vivant, comment une tradition peut évoluer sans se trahir.
São João del-Rei, c’est finalement une métaphore du Brésil contemporain : entre tradition et modernité, entre préservation et évolution, sans jamais choisir définitivement son camp. Et c’est peut-être ça, sa plus grande leçon d’authenticité.
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