Goiânia, cette capitale planifiée qui m’a réconcilié avec l’art déco (et accessoirement avec la country brésilienne)
Bon alors, je dois avouer qu’avant de débarquer à Goiânia en mars 2024, j’avais tous les préjugés du Parisien moyen sur les villes créées de toutes pièces. Dans ma tête, ça évoquait plutôt Évry ou Cergy-Pontoise version tropicale – vous voyez le genre, du béton, des ronds-points et zéro âme. Sauf que voilà, parfois on se plante magistralement. Et quand je dis magistralement, c’est peu dire.
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L’idée de visiter la capitale du Goiás m’était venue par hasard, lors d’une escale prolongée à São Paulo. Un ami brésilien m’avait dit : « Tu veux voir du vrai Brésil ? Pas celui des cartes postales de Rio, mais celui qui se construit ? » J’avoue, sur le moment, ça m’avait fait l’effet d’une invitation à visiter une zone industrielle. Erreur de débutant.
Mes a priori de Français sur une « ville nouvelle » brésilienne (spoiler : j’avais tout faux)
Alors, comment dire… Quand on grandit à Paris, on a tendance à considérer que tout ce qui a été construit après 1900 manque forcément de charme. C’est stupide, mais c’est comme ça. Donc une ville entièrement planifiée dans les années 30, au milieu du Cerrado brésilien, ça me faisait penser à tout sauf à un patrimoine architectural exceptionnel.
En préparant le voyage, j’avais galéré pour trouver des infos fiables sur Booking – déjà un mauvais signe dans ma logique de voyageur paresseux. Les photos sur Internet montraient des bâtiments qui me semblaient… disons que j’étais sceptique. Mes références, c’étaient nos villes nouvelles françaises des années 60-70, et franchement, niveau esthétique, on a connu mieux.
Premier choc à l’arrivée : le taxi qui m’emmène du petit aéroport vers le centre traverse des avenues larges bordées d’arbres, avec une géométrie urbaine qui rappelle plus Brasília que Marne-la-Vallée. « Bon, en fait, c’est pas Évry », me dis-je en regardant défiler les façades. Il y a quelque chose de différent, une cohérence dans l’ensemble qui intrigue.
Le chauffeur, qui parlait un anglais approximatif (le mien en portugais étant encore plus approximatif), me fait remarquer que la ville a été construite pour remplacer l’ancienne capitale, Goiás Velho, jugée trop isolée. Pedro Ludovico Teixeira, le gouverneur de l’époque, voulait une capitale moderne. « Comme Brasília ? » je demande. « Non, avant. Goiânia primeiro », me répond-il avec fierté.
En fait, j’étais en train de découvrir que cette ville avait servi de laboratoire urbain pour ce qui deviendrait plus tard la capitale fédérale. Sauf qu’à la différence de Brasília, Goiânia avait gardé une échelle humaine et, surtout, un style architectural cohérent qui m’échappait encore.
L’art déco de Goiânia, ou comment j’ai appris à regarder l’architecture autrement
Tiens, en fait, je me trompe sur la date de mon arrivée – c’était début avril, pas mars. Les détails comptent quand on parle climat tropical. Bref, le lendemain matin, direction le centre historique à pied depuis mon hôtel près de la Praça Cívica. Et là, révélation.
Ce que j’avais pris pour du « moderne sans intérêt » révélait en fait une application tropicale de l’art déco absolument fascinante. Les bâtiments des années 30-40 mélangent les lignes géométriques caractéristiques du mouvement avec des adaptations climatiques intelligentes : vérandas profondes, brise-soleil intégrés, volumes qui créent de l’ombre naturelle.
Le Palácio das Esmeraldas et mes réflexions sur le pouvoir en architecture
La visite du Palácio das Esmeraldas (le siège du gouvernement de l’État) m’a donné une leçon d’humilité architecturale. En portugais approximatif mélangé d’espagnol de vacances, j’ai réussi à me joindre à une visite guidée. La guide, très patiente avec mon « portuñol » catastrophique, m’explique que l’architecte Attilio Corrêa Lima s’est inspiré des palais gouvernementaux européens tout en adaptant le style au climat local.
Comparé à nos préfectures françaises, souvent austères et intimidantes, ce palais dégage une élégance accessible. Les lignes art déco adoucissent la monumentalité du pouvoir. Les jardins intérieurs créent des micro-climats, et les matériaux locaux (notamment les pierres du Goiás) donnent une chaleur que n’ont pas nos bâtiments administratifs parisiens.

Ce qui m’a frappé, c’est cette capacité à adapter un style architectural européen sans le singer bêtement. Il y a une appropriation culturelle intelligente, pas une copie servile.
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Les détails qui tuent : quand l’art déco rencontre le tropicalisme
En écrivant ces lignes, je repense à ces après-midis passés à déambuler dans les rues du Setor Central, appareil photo en main. L’art déco goiano (de Goiás) développe ses propres codes : motifs géométriques inspirés de la flore du Cerrado, jeu sur les volumes pour créer de l’ombre, utilisation de matériaux locaux qui vieillissent bien sous le soleil tropical.
Le Mercado Central, par exemple, mélange fonctionnalité commerciale et esthétique déco avec une réussite étonnante. Les lignes courbes de la façade, les détails en relief, la distribution de la lumière naturelle… Rien à voir avec nos halles métalliques du XIXe ou nos centres commerciaux contemporains.
Mes photos ratées (question d’éclairage, toujours) m’ont appris que cette architecture joue énormément avec les contrastes ombre/lumière. Contrairement à l’art déco parisien, souvent photographié en noir et blanc pour accentuer les lignes, ici la couleur fait partie intégrante du style. Les ocres, les verts, les bleus délavés par le soleil créent une palette spécifiquement tropicale.
La musique sertaneja : de mes préjugés de mélomane français à l’acceptation culturelle
Bon, là, il faut que je confesse un truc : je ne suis pas fan de country. Ni américaine, ni française (si ça existe), ni d’aucune sorte. Dans ma tête de Parisien amateur de rock indé et de jazz, la country, c’est un peu le degré zéro de la sophistication musicale. Alors la sertaneja brésilienne, vous imaginez mes a priori…
Sauf qu’à Goiânia, impossible d’y échapper. C’est LA musique locale, celle qui sort des voitures, des bars, des restaurants. Au bout de deux jours, j’avais le choix : soit je restais dans ma bulle de snobisme musical, soit j’essayais de comprendre. J’ai choisi la deuxième option, et franchement, heureusement.
Première découverte : la sertaneja, ce n’est pas de la country brésilienne. C’est un genre musical à part entière, avec ses codes, son histoire, ses évolutions. La version moderne (sertanejo universitário) n’a pas grand-chose à voir avec les racines rurales du genre. C’est plus proche de notre variété française moderne que de la country traditionnelle.
Soirée au Mercado Popular : entre authenticité et folklore touristique
Un soir, sur conseil de la réceptionniste de l’hôtel (qui avait pitié de mon air perdu), je me suis retrouvé au Mercado Popular pour une soirée sertaneja. L’endroit mélange marché traditionnel le jour et espace de concerts le soir. Atmosphère garantie, mais est-ce que j’étais en train de tomber dans le cliché du touriste qui cherche l’authenticité dans un lieu déjà touristique ?
La réponse est venue d’elle-même quand j’ai vu que 90% du public était local. Familles, jeunes couples, groupes d’amis… Pas un gringo en vue à part moi. La musique, jouée par un duo guitare-accordéon, racontait des histoires de migration interne, d’amour, de nostalgie rurale. Même sans comprendre tous les mots, l’émotion passait.
Mon moment de grâce (ou de ridicule, selon le point de vue) : quand une mamie m’a invité à danser. Mes talents de danseur étant inversement proportionnels à ma prétention musicale, ça a donné un spectacle… disons mémorable. Mais l’accueil, la bienveillance, la patience de cette dame et de son groupe d’amies m’ont fait comprendre quelque chose d’essentiel sur cette musique : elle crée du lien social.
Problème technique du soir : impossible de faire fonctionner Shazam avec mon forfait international défaillant. Du coup, j’ai dû demander les titres à l’ancienne, en écrivant phonétiquement sur mon carnet. Méthode artisanale mais efficace pour engager la conversation.
Goiânia pratique : mes astuces de terrain (et mes plantages aussi)
Alors, pour le côté pratique, c’est compliqué… Dans le sens où Goiânia n’est pas encore dans les radars du tourisme français mainstream. Ce qui a ses avantages (authenticité, prix) et ses inconvénients (infos parcellaires, barrière linguistique).
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Le climat de Goiânia : mes erreurs de préparation
Un ami m’avait justement prévenu sur la saison sèche, mais bon, je n’avais pas mesuré l’ampleur du truc. En avril, on est en pleine saison sèche, avec des températures qui grimpent facilement à 35°C et une humidité proche de zéro. Résultat : peau déshydratée, lèvres gercées, et une consommation d’eau qui explose.
Côté équipement, j’avais sous-estimé l’intensité du soleil tropical. Même avec de la crème indice 50, j’ai pris des coups de soleil là où je ne m’y attendais pas (nuque, dessus des pieds…). Le chapeau n’est pas une option, c’est une nécessité vitale.
Pour les vêtements, privilégier le coton clair et ample. Mes jeans parisiens sont restés dans la valise après le premier jour. Lin et coton deviennent vos meilleurs amis, même si ça froisse dans les bagages.
Se déplacer dans la ville : Uber vs transports locaux
Question transport, Goiânia est une ville pensée pour la voiture. Les distances entre quartiers sont importantes, et la chaleur rend la marche compliquée en milieu de journée. Uber fonctionne parfaitement et reste abordable comparé aux standards français : comptez 15-25 reais pour traverser la ville (soit 3-5 euros en avril 2024).
J’ai tenté l’expérience des transports en commun avec l’application locale « Rede Metropolitana ». Galère totale : interface en portugais uniquement, système de cartes prépayées pas évident, et horaires… disons approximatifs. Pour un séjour court, Uber reste la solution la plus simple.
Côté hébergement, j’ai testé deux stratégies. D’abord un hôtel business dans le Setor Bueno (quartier moderne), pratique mais sans charme. Puis une pousada dans le Setor Central, plus authentique et mieux située pour visiter à pied. Mon conseil : privilégier le centre historique si vous venez pour l’architecture, le Setor Sul si vous préférez le confort moderne.
Niveau budget, Goiânia reste très abordable pour un Français. Comptez 100-150 reais par nuit pour un hébergement correct (20-30 euros), 30-50 reais pour un repas complet (6-10 euros). Les activités culturelles sont souvent gratuites ou symboliques.
Gastronomie locale : entre traditions et adaptations
Question bouffe, Goiânia m’a réconcilié avec la cuisine de l’intérieur brésilien. Fini les clichés sur la feijoada et les churrascarias touristiques. Ici, on découvre la vraie cuisine goiana : pacu assado (poisson local grillé), pequi (fruit du Cerrado au goût… particulier), farofa de banana…
Le pequi mérite une mention spéciale. Ce fruit jaune, emblématique du Cerrado, a un goût entre le fromage fort et la noisette. Soit on adore, soit on déteste. Moi, ça m’a pris trois tentatives pour apprécier, mais maintenant j’en rachèterais à Paris si c’était possible.
Mes bonnes adresses testées : Mercado da 74 pour les produits locaux et l’ambiance, Restaurante Tempero Goiano pour la cuisine traditionnelle sans folklore, et les petites lanchonetes du centre pour des en-cas rapides et authentiques.
Au-delà des clichés : Goiânia et les enjeux contemporains du Brésil
Dans le contexte actuel de sensibilisation écologique, Goiânia pose des questions intéressantes sur le développement urbain en zone de savane tropicale. La ville s’étend rapidement (plus de 2 millions d’habitants dans l’agglomération), grignotant progressivement le Cerrado environnant.
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Le Cerrado depuis Goiânia : écotourisme et conscience environnementale
À une heure de route, le Parc National de la Chapada dos Veadeiros offre un aperçu de ce qu’était la région avant l’urbanisation. Excursion possible en bus depuis la rodoviária (gare routière), mais je recommande plutôt une agence locale pour optimiser le temps et avoir des explications sur l’écosystème.
Le Cerrado, c’est la savane tropicale la plus riche au monde en biodiversité, mais aussi l’une des plus menacées. Voir ces paysages aide à comprendre l’enjeu environnemental du développement urbain brésilien. Bon, je ne vais pas faire la morale, mais ça interroge sur notre responsabilité de voyageurs.
L’agritourisme se développe aussi autour de Goiânia, avec des fazendas qui ouvrent leurs portes aux visiteurs. L’occasion de comprendre l’économie locale (élevage, soja, canne à sucre) et ses impacts environnementaux. Pas forcément réjouissant, mais instructif.
Question tourisme responsable, Goiânia a l’avantage de ne pas souffrir de surtourisme. Les retombées économiques de votre visite profitent directement aux acteurs locaux, sans intermédiaires internationaux. Les prix pratiqués restent ceux du marché local, pas ceux d’une destination touristique.
L’hébergement chez l’habitant se développe, notamment via des plateformes locales. L’occasion de pratiquer son portugais et de découvrir le mode de vie goiano de l’intérieur. Attention cependant aux différences culturelles : les horaires, les habitudes alimentaires, le rapport à l’espace privé peuvent surprendre.
Goiânia, cette leçon d’humilité touristique
Alors, est-ce que je recommande Goiânia ? La réponse n’est pas binaire. Si vous cherchez les plages de rêve ou l’exotisme de carte postale, passez votre chemin. Si vous voulez comprendre le Brésil contemporain, découvrir un patrimoine architectural méconnu et vivre une expérience culturelle authentique, foncez.
En rentrant à Paris, j’ai réalisé que ce voyage m’avait fait autant réfléchir sur mes préjugés de voyageur que sur la destination elle-même. Goiânia m’a rappelé qu’on peut encore découvrir des pépites en sortant des sentiers battus, mais aussi que nos grilles de lecture européennes ne s’appliquent pas partout.
La durée optimale ? Quatre à cinq jours suffisent pour appréhender l’essentiel : architecture art déco, ambiance musicale, excursion dans le Cerrado. Plus court, c’est frustrant. Plus long, vous risquez de tourner en rond, sauf à utiliser Goiânia comme base pour explorer la région.
Cette expérience m’a aussi questionné sur le tourisme français au Brésil. Pourquoi se limiter au triangle Rio-Salvador-Amazonie quand le pays offre tant d’autres facettes ? Goiânia, Belo Horizonte, Curitiba… Autant de villes qui racontent d’autres histoires brésiliennes, loin des clichés habituels.
Bon, je ne vais pas non plus vous vendre Goiânia comme la nouvelle destination à la mode. Mais si vous avez l’âme d’un explorateur urbain et l’envie de comprendre le Brésil autrement, cette capitale du Cerrado mérite le détour. Ne serait-ce que pour remettre en question vos certitudes architecturales et musicales.
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