Chapada dos Veadeiros – Cerrado et énergies mystiques
Quand le Brésil mystique rencontre le scepticisme français
Bon, je l’avoue, quand ma copine brésilienne m’a parlé de « portails énergétiques » dans le Cerrado, j’ai levé les yeux au ciel. Encore un truc New Age pour attirer les touristes en quête de sens, me suis-je dit. Vous savez, ce genre de destination où on vous vend du « chakra alignment » à 50 euros la séance… Alors quand elle a insisté pour qu’on aille passer une semaine à Alto Paraíso en octobre 2023, j’étais plutôt dans l’optique « bon, on va voir les cascades et on rigole des boutiques de cristaux ».
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Première leçon d’humilité : dès l’arrivée dans cette petite ville du Goiás, à 230 kilomètres de Brasília, j’ai senti que quelque chose clochait dans mon scepticisme parisien. Pas forcément du côté mystique – restons rationnels – mais plutôt dans cette énergie particulière qui émane du plateau. Le paysage du Cerrado s’étend à perte de vue, ces formations rocheuses de quartzite qui percent la savane comme des cathédrales minérales… Tiens, en fait, il se passe vraiment quelque chose ici.
Le problème, c’est qu’entre les véritables phénomènes géologiques fascinants et le marketing spirituel, la frontière est parfois floue. Alto Paraíso attire depuis les années 70 une communauté alternative venue du monde entier, et aujourd’hui, c’est devenu un savant mélange entre recherche authentique de spiritualité, business touristique bien huilé et patrimoine naturel exceptionnel.
Alors non, je ne suis pas devenu adepte de cristallothérapie, mais j’ai appris à naviguer dans cet univers sans tomber dans les clichés. D’un côté, les anomalies magnétiques de la région sont scientifiquement documentées – on est sur l’un des plus anciens plateaux de la planète. De l’autre, certains « guides spirituels » vous proposent des « harmonisations énergétiques » à des tarifs qui feraient pâlir un ostéopathe parisien.
La clé, selon mon expérience, c’est d’aborder cette destination avec curiosité mais sans naïveté. Oui, il y a quelque chose de particulier dans l’atmosphère de la Chapada dos Veadeiros. Non, ça ne justifie pas de claquer 200 reais dans une « purification cristalline ». Entre les deux, il y a un territoire fascinant à explorer, à condition de garder les pieds sur terre… ou plutôt sur ce sol de 1,8 milliard d’années.
Le Cerrado, ce géant méconnu (et mes galères de connexion pour le documenter)
La savane qui cache sa richesse
En écrivant ces lignes depuis la pousada, avec un WiFi qui coupe toutes les 10 minutes, je réalise à quel point le Cerrado souffre d’un déficit d’image injuste. Nous, Français, on connaît l’Amazonie, le Pantanal, les plages de Rio… Mais cette immense savane tropicale qui couvre 21% du territoire brésilien ? Quasi inconnue au bataillon.
Pourtant, disons que niveau biodiversité, on est sur du lourd. Plus de 12 000 espèces de plantes, dont 44% endémiques. Pour vous donner une idée, c’est plus riche que certaines forêts tropicales. Le truc, c’est que contrairement à la forêt amazonienne avec ses arbres géants, le Cerrado joue la discrétion. Des arbustes tordus, des herbes hautes, quelques palmiers buriti… Au premier regard, ça ressemble à une savane africaine un peu tristounette.
Grave erreur de jugement de ma part. Nous, Français, on a nos bocages normands qui cachent une biodiversité insoupçonnée, eux ont leurs campos rupestres – ces prairies d’altitude parsemées de rochers – qui regorgent de vie. La différence, c’est qu’ici, tout pousse sur des sols pauvres en nutriments, ce qui force les plantes à développer des stratégies de survie fascinantes.
Un ami géologue m’a justement expliqué hier que ces formations rocheuses datent du Précambrien. On parle de 1,8 milliard d’années, soit l’époque où la vie sur Terre se résumait encore à des bactéries. Marcher sur ces plateaux de quartzite, c’est littéralement fouler l’un des plus anciens sols de la planète.
Digression assumée : Le défi de la documentation
Bon, parlons peu mais parlons vrai : documenter tout ça depuis le Cerrado relève du parcours du combattant numérique. Mon forfait Free à 25 euros ne couvre évidemment pas le Brésil (merci la facture d’itinérance que j’ai découverte en rentrant), et le réseau local oscille entre « acceptable » et « époque du 56k ».
J’ai fini par acheter une puce Tim Brasil à Brasília, mais même là, dès qu’on s’éloigne d’Alto Paraíso, c’est le désert numérique. Heureusement, j’avais téléchargé Maps.me avant le départ – conseil de base mais qu’on oublie toujours. Pareil pour l’app iNaturalist qui permet d’identifier la faune et la flore en mode offline, un must pour comprendre ce qu’on observe.
Le plus frustrant ? Mes photos iCloud qui ne synchronisaient pas, alors que j’avais des clichés magnifiques de ces formations géologiques uniques. Un type au bar de la pousada m’a filé l’astuce : utiliser le WiFi de la Secretaria de Turismo en ville, apparemment le seul endroit avec une connexion décente. Effectivement, ça marche, mais il faut s’armer de patience.
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Cette déconnexion forcée a finalement ses avantages. Impossible de checker ses mails toutes les cinq minutes ou de scroller Instagram. On est vraiment dans l’observation, dans la contemplation de ces paysages qui changent de couleur selon la lumière. Le Cerrado, c’est un peu comme la Provence : il faut apprendre à voir sa beauté, elle ne s’impose pas d’emblée.
Alto Paraíso et sa communauté : entre authenticité et business mystique
L’art de démêler le vrai du marketing
Alors bon, entre les boutiques de cristaux à tous les coins de rue et les vrais géologues passionnés, Alto Paraíso c’est un peu le Far West de la spiritualité tropicale. La ville compte officiellement 7 000 habitants, mais on a l’impression qu’il y a autant de thérapeutes alternatifs que de locaux.
Je me demandais si j’allais tomber sur du pur attrape-touriste, mais en fait, la réalité est plus nuancée. Oui, certaines boutiques vendent des « cristaux de guérison » à des prix hallucinants – j’ai vu une améthyste « énergisée » à 300 reais, soit 50 euros pour un caillou qu’on trouve à 5 euros en France. Mais parallèlement, il y a une vraie communauté de chercheurs, d’artistes et d’écologistes qui ont choisi de vivre ici pour des raisons authentiques.
Rencontre marquante avec Dona Maria, propriétaire d’une petite pousada familiale. Installée ici depuis 40 ans, elle a vu arriver les premiers « alternativos » dans les années 80, puis l’explosion touristique des années 2000. « Avant, nous étions une petite ville d’éleveurs. Maintenant, mes petits-enfants parlent anglais et font des études d’écotourisme », me raconte-t-elle en portugais approximatif mélangé d’espagnol et de gestes.
Ce qui m’a frappé, c’est cette coexistence plutôt harmonieuse entre les différentes communautés. Les fazendeiros traditionnels, les néo-ruraux européens, les Brésiliens urbains en quête de sens, les guides locaux… Chacun trouve sa place dans cet écosystème économique basé sur le tourisme « conscient ».
Navigation pratique dans l’écosystème local
Pour s’y retrouver sans se faire avoir, quelques codes à connaître. D’abord, négocier est non seulement accepté mais attendu, surtout pour les excursions. Les agences en centre-ville affichent 80 reais pour une journée aux cascades, mais un guide local vous fera le même circuit pour 50 reais, transport inclus.
Erreur classique que j’ai failli commettre : réserver mes excursions la veille pour le lendemain. En haute saison (juin-août et décembre-janvier), c’est mission impossible. Un couple de Lyonnais rencontré à la pousada a dû attendre trois jours pour avoir une place au Vale da Lua. Mon conseil : réserver au moins 48h à l’avance, voire une semaine pour les spots les plus prisés.
Le système D à la française fonctionne plutôt bien ici. Un type au bar m’a filé le contact d’un guide local, Marcelo, qui connaît des cascades secrètes non répertoriées dans les guides. Pour 60 reais, il m’a emmené dans des endroits magiques où on était seuls au monde. Le genre d’expérience qu’aucune agence ne peut vendre.
Côté logement, évitez les pousadas trop « spirituelles » si vous cherchez juste un endroit pour dormir. Certaines imposent des « rituels de purification » à l’arrivée ou des horaires de méditation collective. Rien contre, mais quand on veut juste une douche chaude après 8 heures de rando, ça peut agacer.
La Casa de Chá, petit restaurant végétarien tenu par un couple franco-brésilien, est devenue mon QG. WiFi correct, cuisine délicieuse et ambiance décontractée. C’est là qu’on récupère les meilleurs tuyaux sur les activités du moment et qu’on rencontre d’autres voyageurs dans la même démarche de découverte authentique.
Les cascades et formations : géologie spectaculaire (avec mes ratés photo)
Cataratas dos Couros et Vale da Lua : l’incontournable
Bon, mes premières photos étaient nulles, la lumière du Cerrado, c’est traître. Entre 11h et 15h, c’est cramé, tout ressort blanc sur les clichés. Il faut shooter tôt le matin ou en fin d’après-midi pour avoir ces couleurs dorées qui rendent justice aux formations rocheuses.
Le Vale da Lua, c’est le spot Instagram de la région, mais pour une fois, le buzz est justifié. Ces sculptures naturelles de quartzite blanc, polies par des millénaires d’érosion, créent un paysage quasi lunaire. D’où le nom, évidemment. Ça m’a d’abord rappelé les Gorges du Verdon, mais en version tropicale… En fait non, c’est complètement différent, plutôt comme si on avait mélangé les rochers de Fontainebleau avec les piscines naturelles de Corse.
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L’accès coûte 15 reais (environ 2,50 euros), parking inclus. Petit conseil négligé dans la plupart des guides : amenez des chaussures d’eau. Les rochers sont glissants, et j’ai vu plusieurs touristes se retrouver les fesses dans l’eau glacée. Glacée, oui, parce que contrairement aux plages de Bahia, ici on est à 1 200 mètres d’altitude.
Les Cataratas dos Couros, c’est l’autre incontournable. Une succession de cascades et de piscines naturelles sur plusieurs niveaux. L’eau descend du plateau en créant ces fameux « couros » – des toboggans naturels dans la roche. Sensation garantie, mais attention aux bobos. Le quartzite, c’est joli mais ça racle.
Gestion pratique des visites
Timing crucial : arrivée à 8h pour éviter la foule et profiter de la meilleure lumière. L’entrée du parc national coûte 28 reais pour les étrangers (tarif 2023), et il faut réserver en ligne sur le site de l’ICMBio. Depuis octobre 2023, le paiement sans contact est enfin possible, fini la galère des espèces.
Protection solaire dans le Cerrado, c’est du sérieux. À cette altitude, avec la réverbération sur les rochers blancs, on grille en 20 minutes. Crème indice 50 minimum, chapeau obligatoire et surtout, surtout : hydratation massive. J’ai croisé un médecin français en vacances qui m’a raconté avoir soigné plusieurs cas de déshydratation sévère chez des touristes européens sous-estimant la puissance du soleil tropical d’altitude.
État des sentiers variable selon la saison. En période sèche (mai à septembre), c’est nickel. Mais attention aux orages de fin d’après-midi qui peuvent rendre certains passages glissants. Le sentier principal vers les Cataratas fait 6 kilomètres aller-retour, prévoir 4 heures avec les pauses baignade.
Conseil logistique : partir avec un sac étanche pour protéger téléphone et appareil photo. L’humidité près des cascades, c’est redoutable pour l’électronique. Et emporter de quoi grignoter, parce qu’il n’y a aucun point de restauration dans le parc.
L’énergie tellurique : entre science et ressenti (mon cheminement personnel)
Approche rationnelle d’un phénomène irrationnel
Alors, est-ce que j’ai senti quelque chose ? Difficile à dire sans passer pour un illuminé ou un sceptique obtus. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a une atmosphère particulière dans certains endroits de la Chapada. Pas forcément mystique, mais… différente.
Les données scientifiques sont là : la région présente des anomalies magnétiques documentées par l’Institut géologique brésilien. Ces formations de quartzite contiennent des minéraux ferromagnétiques qui créent des variations du champ magnétique terrestre. Rien d’extraordinaire en soi, mais suffisant pour perturber les boussoles et expliquer certaines sensations de « désorientement » rapportées par les visiteurs.
J’ai croisé un couple de géologues allemands qui étudiaient ces phénomènes. Selon eux, la composition minérale particulière du plateau, combinée à l’altitude et à la faible pollution lumineuse, crée effectivement des conditions « énergétiques » spécifiques. Pas de quoi invoquer les extraterrestres, mais assez pour comprendre pourquoi cette région attire depuis des siècles les chercheurs spirituels.
Témoignages croisés d’autres voyageurs européens, sans folklore : beaucoup rapportent un sommeil plus profond, une sensation de « clarté mentale » accrue, parfois des rêves plus intenses. Effet placebo ? Influence de l’environnement naturel préservé ? Réelles propriétés géophysiques ? Probablement un mélange des trois.
Gestion des attentes et du marketing local
Selon mon expérience, il y a effectivement quelque chose, mais ça n’a rien à voir avec les affirmations commerciales des « centres énergétiques ». C’est plutôt cette sensation qu’on peut avoir dans certains lieux naturels préservés : une forme de paix, de connexion avec l’environnement, de recul par rapport au stress urbain.
Le piège, c’est de tomber dans le business spirituel local. Certains « thérapeutes » vous promettent des « activations énergétiques » à 150 reais la séance. Autant aller méditer gratuitement au coucher du soleil sur les rochers du Morro da Baleia, l’effet sera probablement le même.
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Conseil pratique pour vivre l’expérience sans se faire avoir : privilégier les moments solitaires dans la nature plutôt que les « cérémonies » organisées. Le lever de soleil depuis le Mirante da Janela, par exemple, vaut tous les rituels payants de la ville. Et c’est gratuit.
Respecter les croyances locales sans naïveté, c’est possible. Beaucoup de guides indigènes ou de descendants d’esclaves ont une relation ancestrale à cette terre qui mérite le respect. Leurs connaissances sur la faune, la flore et les propriétés des plantes sont précieuses. Mais ça n’oblige pas à adhérer aux théories New Age importées d’Europe ou des États-Unis.
Tourisme responsable et impact : ma prise de conscience
Fragilité de l’écosystème et solutions concrètes
En voyant l’afflux touristique, je me suis dit qu’il fallait agir intelligemment. Alto Paraíso accueille plus de 200 000 visiteurs par an pour 7 000 habitants. Même avec les meilleures intentions du monde, ça laisse des traces.
Le Cerrado est l’un des écosystèmes les plus menacés de la planète. Déforestation pour l’agriculture, urbanisation galopante, pollution des cours d’eau… Le tourisme peut être une solution économique alternative, mais à condition d’être maîtrisé.
Initiatives locales à soutenir : l’Association des Guides de la Chapada forme des jeunes locaux aux métiers de l’écotourisme. Choisir leurs services plutôt que les grandes agences de Brasília, c’est directement soutenir l’économie locale. Pareil pour les pousadas familiales versus les resorts internationaux.
Un ami écolo m’a fait réaliser que l’empreinte carbone de mon vol Paris-Brasília représentait environ 3 tonnes de CO2. Pour compenser, j’ai contribué à un projet de reforestation local géré par l’ONG Chapada dos Veadeiros. 50 euros pour planter 10 arbres natifs du Cerrado, avec suivi GPS et photos de croissance. Pas parfait, mais mieux que rien.
Recommandations finales mesurées
Alors, est-ce que je recommande ? Oui, mais avec des conditions. D’abord, éviter la haute saison si possible. Juin-juillet et décembre-janvier, c’est l’invasion. Préférer avril-mai ou septembre-octobre : moins de monde, prix plus doux et climat idéal.
Budget réaliste pour une semaine (données octobre 2023) : 800 à 1200 euros par personne depuis Paris, vol inclus. Ça peut paraître cher pour le Brésil, mais la région s’est « européanisée » côté tarifs. Compter 40-60 euros par nuit pour une pousada correcte, 15-20 euros par repas, 30-50 euros par excursion.
Période optimale pour un impact minimal : saison sèche (mai à septembre), en évitant les weekends prolongés brésiliens. Prévoir minimum 5 jours sur place pour rentabiliser le voyage et avoir le temps de s’imprégner de l’atmosphère particulière du lieu.
Conseil final : venez avec une curiosité ouverte mais des attentes mesurées. La Chapada dos Veadeiros n’est ni Lourdes ni Sedona. C’est un territoire naturel exceptionnel avec une histoire géologique fascinante et une communauté humaine attachante. Si vous cherchez le grand frisson mystique, vous risquez d’être déçu. Si vous venez pour découvrir un écosystème unique et vivre quelques jours au rythme du Cerrado, vous repartirez probablement conquis.
Et qui sait ? Peut-être que vous aussi, vous sentirez cette « énergie » particulière. Ou peut-être pas. Dans tous les cas, vous aurez vécu une expérience authentique dans l’un des derniers paradis naturels du Brésil.
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